Face à la maladie, Yasmina cristallise la toile nigérienne

Face à la maladie, Yasmina cristallise la toile nigérienne
Yasmina Mohamed - Compte Facebook de Yasmina

​Agée de 25 ans, Yasmina Mohamed est devenue le symbole d’une mobilisation exceptionnelle sur les réseaux sociaux nigériens. Son combat contre une maladie rare a touché le cœur de nombreuses personnes à travers le pays. Face à la nécessité d’une prise en charge médicale indisponible au Niger, une campagne de collecte de fonds a permis de réunir plus de 68 millions de francs CFA, dépassant de 71 % l’objectif initial de 40 millions.​

Une enfance hors du commun

Orpheline de père et de mère, Yasmina a grandi à l’orphelinat Fraternité Notre Dame à Niamey. Dès son jeune âge, ses excellents résultats scolaires ont impressionné : elle obtient son Certificat de Fin d’Études du Premier Degré (CFEPD) à 8 ans, son Brevet d’Études du Premier Cycle (BEPC) à 12 ans. Ces exploits lui valent d’être reçue en 2007 par Seïni Oumarou, alors vice-président de l’Assemblée nationale du Niger.​
Les internautes n’ont pas hésité à rechercher une photo du journal imprimé le mardi 14 août 2007 pour servir de preuve.

En 2020, une équipe du Studio Kalangou a dressé le portrait de Yasmina, alors présidente nationale du Cadre consultatif nigérien des enfants et des jeunes. Elle y racontait avoir échappé à un mariage forcé à l’âge de 12 ans. D’où son engagement en faveur des droits des enfants.
En 2019, elle a également participé au sommet du G7, où elle a eu l’occasion de rencontrer le président français.

 
 

À écouter : Portrait de YASMINA Mohamed, militante des droits des enfants

Le diagnostic : une maladie rare et incurable

Malheureusement, cette ascension est brutalement interrompue par la maladie.​ En 2024, grâce à une première vague de dons, Yasmina est évacuée en Tunisie où les médecins diagnostiquent une endométriose profonde et, surtout, suspectent un syndrome de la personne raide (Stiff Person Syndrome). Cette maladie neurologique auto-immune extrêmement rare, incurable, affecte la moelle épinière et provoque une rigidité musculaire sévère. Sa prévalence mondiale est estimée à environ un cas par million de personnes. ​

Ce syndrome a récemment gagné en notoriété après que la chanteuse Céline Dion a révélé en être atteinte. Les symptômes incluent une raideur musculaire progressive, des spasmes douloureux et des convulsions.

Depuis cinq ans, Yasmina endure des crises violentes : rigidité corporelle, convulsions, douleurs aiguës et contractions musculaires. Les diagnostics se sont succédé sans apporter de réponses claires, poussant ses proches à explorer diverses options thérapeutiques, y compris des traitements traditionnels et spirituels.​

« Je suis obligée de demander qu’on m’attache les quatre membres avec des foulards pour contenir les tiraillements », confie-t-elle dans un témoignage publié sur Facebook en octobre 2024. Malgré tout, Yasmina continue de sourire, affirmant que ce sourire « rappelle combien j’ai été forte, je le suis et je continuerai de l’être ».​

Une mobilisation nationale sans précédent

Pour l’aider à faire face aux coûts élevés de son traitement, une campagne sur GoFundMe est lancée le 2 mars 2025 avec un objectif de 40 000 euros ( un peu plus de 26 millions de francs CFA). À partir du 5 mars, la mobilisation s’intensifie lorsqu’une vidéo montrant Yasmina en pleine crise est massivement partagée sur les réseaux sociaux.

Accompagnée d’un appel à l’aide poignant, elle écrit : « Je dois impérativement recevoir une transfusion d’immunoglobulines qui me permettra de stabiliser la maladie et de ne pas avoir de crises pendant un long moment. Cette dernière coûte excessivement cher, raison pour laquelle je me tourne vers vous pour obtenir votre soutien, sans quoi mon état continuera de se dégrader. »​

La video, et le texte accompagnant la publication est disponible sur le compte Facebook de son amie, Haoua Sty. Mais attention : Cette vidéo contient des images susceptibles de heurter la sensibilité de certaines personnes.

Relayé sous les hashtags #SauvonsYasmina et #TousPourYasmina, le message suscite une vague de solidarité. Au 24 mars 2025, plus de 68 millions de francs CFA (plus de 100 000 euros) sont collectés, soit 171,5 % de l’objectif initial. Les dons affluent via diverses plateformes locales (Nita, Wave, chèque, espèces) et internationales (GoFundMe), provenant tant du pays que de la diaspora.​

Débats et controverses

Toutefois, cette mobilisation exceptionnelle soulève des débats. Des arnaques exploitant la générosité des donateurs ont été signalées, et des discussions émergent sur le rôle de l’État dans la prise en charge de telles situations.

Certains accusent les autorités d’inaction, tandis que d’autres rappellent que « ce sont tous les citoyens qui constituent l’État ».​

 
 

Par ailleurs, des voix s’élèvent pour souligner que d’autres personnes au Niger nécessitent également une aide médicale urgente mais ne bénéficient pas de la même visibilité ni de la même solidarité. Un internaute souligne que cette aide pour Yasmina est néanmoins importante, surtout dans un pays où les systèmes de soins sont peu développés.​

 
 

Les maladies rares, un défi mondial

Les maladies rares, également appelées maladies orphelines, se caractérisent par une très faible prévalence dans la population. En Europe, une maladie est dite rare lorsqu’elle touche moins d’une personne sur 2 000. On estime qu’il existe entre 6 000 et 8 000 maladies rares identifiées dans le monde, dont environ 80 % sont d’origine génétique. Ces maladies touchent plus de 300 millions de personnes sur la planète.

Des données manquantes au Niger

Au Niger, les données scientifiques sur les maladies rares sont limitées. Il n’existe pas de registre national ni d’étude épidémiologique globale sur ces maladies dans le pays. La plupart des informations disponibles proviennent de cas cliniques isolés ou d’initiatives de recherche ponctuelles.

Par exemple, la maladie de Von Willebrand (trouble hémorragique héréditaire rare), découverte en 1926, n’a été diagnostiquée pour la première fois au Niger qu’en 2021, à l’Hôpital National de Niamey. Les médecins qui ont rapporté ce cas soulignent que, malgré des signes cliniques évocateurs, le diagnostic de ce type de maladie rare reste difficile dans les pays en développement en raison du manque de moyens diagnostiques.

Les priorités de santé au Niger sont traditionnellement axées sur les maladies infectieuses (paludisme, tuberculose, etc.) et les maladies à fort impact populationnel (malnutrition, maladies endémo-épidémiques), ainsi que sur les maladies non transmissibles majeures (cardiovasculaires, diabète, cancers…), selon un rapport de l’International Cancer Control Partnership sur le Niger publié en 2012.

Cependant, il faut noter que la prévalence d’une maladie peut varier selon les régions du monde. Par exemple, une maladie peut être rare en Europe mais plus fréquente dans d’autres zones géographiques.

Le Niger fait ainsi partie des pays où l’albinisme est relativement plus répandu qu’ailleurs, avec une prévalence de 1/1 000 selon une étude publiée dans les Annales Africaines de Médecine. Cela veut dire qu’au Niger, dans un groupe de 1 000 personnes, en moyenne 1 personne est atteinte d’albinisme. 
Pourtant l’albinisme est considéré comme une maladie rare en Europe oû sa prévalence est estimée à environ 1 personne sur 17 000 à 20 000 naissances.

À écouter : Quelles prises en charge médicale et sociale pour une vie épanouie des personnes atteintes d’albinisme au Niger ?

Qu’en est-il du syndrome de l’homme raide ?

Le syndrome de l’homme raide – également appelé syndrome de la personne raide (en anglais Stiff-Person Syndrome ou SPS) – est une maladie neurologique auto-immune extrêmement rare. Sa prévalence mondiale est estimée à environ 1 cas par 1 000 000 de personnes.

Il affecte environ deux fois plus les femmes que les hommes, selon les spécialistes, et débute le plus souvent à l’âge adulte (autour de 45 ans en moyenne).

Prise en charge actuelle du SPS dans le monde

Bien qu’incurable à ce jour, le syndrome de l’homme raide peut être stabilisé et soulagé grâce à une prise en charge multimodale. Les stratégies de traitement visent deux axes principaux :

  • Le soulagement symptomatique de la raideur musculaire et des spasmes.
  • L’immunomodulation pour corriger le dysfonctionnement auto-immun sous-jacent.

Ousmane Mamoudou.