Après la destruction d’un drone malien par l’armée algérienne dans la nuit du 31 mars au 1er avril, un échange de communiqués acerbes a mis en lumière l’ampleur des tensions croissantes entre l’Algérie et la Confédération des États du Sahel, regroupant le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Dans un communiqué virulent publié hier 7 avril, Alger rejette catégoriquement les accusations portées à son encontre, dénonçant une tentation de faire de l’Algérie « un bouc émissaire aux revers et aux déboires dont le peuple malien paye le prix le plus lourd ».
Une fracture diplomatique qui s’élargit
Alors que l’AES annonçait le rappel pour consultation de ses ambassadeurs en Algérie, Alger a riposté par des mesures symétriques dans son communiqué :
- Rappel de ses ambassadeurs au Mali et au Niger.
- Report de la prise de fonction de son nouvel ambassadeur au Burkina Faso.
Alger fustige « l’alignement inconsidéré du Niger et du Burkina Faso sur les thèses fallacieuses présentées par le Mali », tout en condamnant « le langage outrancier et injustifié tenu à l’égard de l’Algérie ».
Dans la foulée, l’Algérie a aussi décidé de la fermeture de son espace aérien avec le Mali. En réponse, les autorités maliennes ont, à leur tour, décidé de fermer leur espace aérien aux vols en provenance ou à destination de l’Algérie.
Contexte de l’incident
L’incident déclencheur s’est produit dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2025, lorsqu’un drone malien immatriculé TZ-98D a été abattu par les forces algériennes dans la zone frontalière de Tezawaten, dans la région de Kidal. Alors que l’Algérie affirme que l’appareil a violé son espace aérien, le Mali conteste cette version et assure que le drone n’a jamais franchi la frontière.
Dans un communiqué lu à la télévision nationale nigérienne (RTN), le Collège des chefs d’État de la Confédération AES a dénoncé un acte « d’hostilité du régime algérien », qualifiant la destruction du drone d’« agression visant tous les États membres de la Confédération AES ». Selon le communiqué, cette frappe aurait « empêché la neutralisation d’un groupe terroriste qui planifiait des actes contre l’AES ».
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La réponse d’Alger : un rejet catégorique des accusations
Dans un communiqué au ton sévère, le gouvernement algérien affirme avoir pris connaissance « avec un sentiment de grande consternation » des déclarations maliennes et du Collège des chefs d’État de l’AES.
« Par son communiqué, le Gouvernement de la transition au Mali porte de graves accusations contre l’Algérie », écrit Alger, estimant que ces accusations « ne dissimulent que très imparfaitement la recherche d’exutoires et de dérivatifs à l’échec manifeste de ce qui demeure un projet putschiste ».
Alger va plus loin en qualifiant le régime de Bamako de « clique inconstitutionnelle », qui aurait « enfermé le Mali dans une spirale de l’insécurité, de l’instabilité, de la désolation et du dénuement ».
L’Algérie rejette en bloc toute tentative de l’associer au terrorisme dans la région, puisque « la collusion que le Gouvernement malien établit avec une extrême légèreté entre l’Algérie et le terrorisme manque tellement de sérieux qu’il serait superflu de lui prêter attention ou d’y répondre ».
Des précisions techniques divergentes
- Le drone malien aurait violé l’espace aérien algérien à 00h08, pénétrant sur une distance de 1,6 km, avant de s’éloigner puis de revenir « en prenant une trajectoire offensive ».
- L’incursion aurait été considérée comme une « manœuvre d’hostilité caractérisée », justifiant l’ordre de destruction de l’appareil, contredisant les affirmations maliennes.
- Il ne s’agirait pas d’un cas isolé : Alger évoque deux précédentes violations par des drones maliens, survenues les 27 août 2024 et 29 décembre 2024.
- Le drone s’est écrasé à Tinzawatène, dans le cercle d’Abeïbara (région de Kidal), à 9,5 km au sud de la frontière Mali-Algérie.
- Le point de rupture de liaison avec l’appareil se situe à 10,2 km au sud de la frontière, donc également sur le territoire malien.
- La distance entre le point de rupture et le lieu de l’épave est de 441 mètres, ce qui, selon le gouvernement malien, confirme que le drone n’a jamais quitté l’espace aérien national.
- Bamako conclut que l’appareil n’a pas pénétré l’espace algérien, contredisant les affirmations d’Alger.
Ousmane Mamoudou.