La forte présence militaire ainsi que les différentes offensives des armées régulières des pays du bassin du Lac Tchad, ont fortement réduit les mouvements du groupe Boko Haram de même que leurs capacités d’approvisionnement. Sans perdre de vue que les dissensions internes de l’organisation fragilisent aussi leur coordination de mener des attaques.
Selon les observateurs informés, les ressources financières de Boko Haram proviennent essentiellement des activités criminelles, les trafics de drogues, des kidnappings, etc.
Au Niger, la région de Diffa, frontalière avec le Nigéria et le Tchad, subit de plein fouet les méfaits de Boko Haram.
Une économie de rançons ?
Dans un Tweet du journaliste nigérien et analyste de l’actualité africaine, Seidik Abba, indiquait qu’à la période du 1er janvier au 30 septembre 2020 Boko Haram aurait perçu ½ milliards de francs CFA de rançon contre des libérations d’otages dans la seule région de Diffa.
Selon 1 décompte établi à partir des sources locales, Boko Haram aura perçu entre le 1er/01/2020 et le 30/09/2020 2020 près de 500 millions de FCFA (1 demi-milliard) de rançon dans la seule région de #Diffa, sud-est du Niger. Argent payé par les familles des personnes enlevées.
— Seidik Abba (@abbaseidik) November 2, 2020
Ces chiffres avancés par le journaliste sont issus d’une longue période d’investigation auprès de sources informées des activités de Boko Haram et par le biais d’entretiens avec les familles des victimes. Dans son interview accordée au Studio Kalangou, le journaliste affirme que la somme annoncée serait « inférieure à la réalité. Le montant exact est sans doute beaucoup plus élevé ».
Selon Seidik Abba, les familles sont contraintes de verser les rançons réclamées par Boko Haram contre la libération des otages. Parfois, les parents sont obligés de recourir à des aides extérieures, notamment auprès des ressortissants nigériens résidant à l’étranger, pour réunir la somme exigée. « Les sommes varient selon la valeur de la personne enlevée. Pour certains, Boko Haram demande 1 million de naira (près de 1,5 million de F CFA) pour quelqu’un d’autre 800 000 naira (un peu plus d’un million de F CFA) » a confié Seidik Abba au Studio Kalangou.
L’enlèvement contre rançons dans la région de Diffa est l’activité principalement de Boko Haram a-t-il expliqué. Pour Seidik Abba, le groupe nigérian cible des personnes à fort patrimoine (bétails, commerçants…) ou issues de familles riches.
C’est « une économie de la rançon qui s’est mise en place dans cette zone-là. Et à mon avis, il faut trouver les moyens de mettre un terme à cette économie de rançons».
Une économie déjà éprouvée
L’économie de la culture du poivron rouge développée autour du bassin du Lac Tchad apporte 7 à 8 milliards de francs CFA par an dans la région avant l’avènement de Boko Haram. Aujourd’hui toutes les activités pratiquées autour du lac sont au ralenti voir à l’arrêt pour cause d’insécurité.
« La principale source de revenus des populations, c’est le poivron. Elles (les populations) ne peuvent plus aujourd’hui, du fait de l’insécurité, produire du poivron… Et aujourd’hui leur demander de payer des rançons c’est les ruiner totalement » explique Seidik Abba, « les populations sont obligées de vendre ce qui leur reste comme biens. Souvent c’est les bijoux familiaux, qui sont la dernière richesse dans une famille dans cette région, qu’on sort pour revendre ».
L’appauvrissement des populations favorise l’embrigadement des personnes dans les rangs de Boko Haram avec l’argent gagné dans les rançons, un cercle vicieux dangereux. Si rien n’est fait par rapport à cette économie de la rançon « on risque de ne pas gagner la guerre contre Boko Haram » conclut Seidik Abba.
Interview de Seidik Abba