Très répandue au Niger, la parenté à plaisanterie occupe une importante place dans la cohésion sociale. C’est une pratique culturelle très ancienne qui a non seulement permis de conserver la paix et la quiétude sociale, mais aussi de faciliter la cohabitation entre les communautés. Ainsi, tous les groupes ethnolinguistiques du Niger sont rattachés entre eux par ce lien.
D’une autre part, cette tradition comporte plusieurs volets. L’on peut citer entre autres, la « shara » en hausa ou « habouyan » en zarma. Cette coutume dont le terme signifie littéralement « balayage » en français, n’est qu’une infime partie de la parenté à plaisanterie.
La « shara », qu’est-ce que c’est ?
« C’est une tradition instaurée depuis l’époque de nos arrières grands parents, pour faciliter la coexistence entre la population. Parce que parler de parenté à plaisanterie, revient forcement à parler de cohésion sociale », nous explique Yazi Dogo, acteur culturel nigérien. Il ajoute « la « shara » fait partie intégrante de cette parenté à plaisanterie. Il s’agit donc, de faire le tour des maisons de ses parents à plaisanterie, dès que la période commence, avec un balai à la main. On fait ensuite semblant de balayer la cour pour ensuite réclamer une paye pour cela. C’est cette paye là qu’on appelle « shara ».
Cette paye peut être donné en nature comme en espèce : « Dans le temps, il ne s’agissait pas de donner une si grande somme en fait, non ! C’est juste des choses symboliques que l’on offre à son ‘’cousin’’. Cela peut être une simple noix cola, une petite quantité de mil, des animaux domestiques (une poule par exemple) ou encore une toute petite somme d’argent : 5francs, 10francs, peu importe ».
« Le mois de la shara », la période appropriée pour en réclamer
Il y a en effet une période bien donnée pour qu’un « cousin » à plaisanterie réclame la « shara ». Il s’agit de « commencer à compter à partir du mois de jeûne (le ramadan), puis le mois suivant. Ensuite vient le mois de la fête de la tabaski. C’est à la fin de ce dernier que commence la période de la shara qui s’étend sur tout un mois. On l’appelle ‘’watan shara (le mois de la shara)’’. Mais dès qu’il s’achève, aucun cousin n’a le droit de la réclamer. Il faudrait alors attendre l’année suivante », explique jovialement Mme Yazi Dogo, actrice culturelle également.
Qui peut réclamer la shara
Toutes les ethnies cousines peuvent réclamer la « shara » entre elles. Au regard des histoires qui les lient, ceux qui se réclament « chefs » par rapports aux autres sont alors dans l’obligation de verser cette paye plus ou moins symbolique, au moment venu. Par exemple, les Peuls, les Maouris (essentiellement localisée dans la région de Dosso) et les Kanuris (de l’Est du Niger) entre eux. Ou encore entre les Touaregs, les Zarmas, les Sonrais et les Gobirawas.
Mais en réalité « la shara ne concerne pas uniquement les ethnies cousines, cette tradition va plus en profondeur », affirme Mme Yazi Dogo. En effet, au sein d’une même communauté ethnolinguistique : « le petit-fils peut réclamer la shara à son grand père, de même que deux cousin(e)s. Mais pour que cela soit valable entre ces derniers, il faudrait que leurs parents soient frères et sœurs, et jamais entre les enfants de deux frères ou deux sœurs. La shara peut même se réclamer entre les marabouts et les chasseurs d’une communauté traditionnelle ».
En somme, la tradition de la « shara » ou salaire des cousins à plaisanterie n’est qu’une petite partie de la parenté à plaisanterie. Cette dernière présente dans plusieurs pays du Sahel, a joué et continue de jouer un rôle assez important dans le maintien de la paix entre les populations et même pour calmer des tensions. Certaines de ces pratiques (des échanges vifs entre cousins, par exemple) peuvent même choquer les yeux et les oreilles des personnes non averties. Mais tout finit toujours par s’arranger.
Fanta Chamsou.
Interview de Yazi Dogo
Interview de Mme Yazi Dogo