Aux cimetières de Niamey, les morts réveillés par des appels téléphoniques

Le cimetière est cette dernière demeure où l’on se repose pour l’éternité ; il est désormais troublé par la technologie au Niger. Téléphoner ou papoter aux cimetières, c’est la nouvelle mode…
Aux cimetières de Niamey, les morts réveillés par des appels téléphoniques
Portail du cimetière musulman de Niamey / ige31 @ Mapillary.com, CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons

Le cimetière est cette dernière demeure où l’on se repose pour l’éternité ; il est désormais troublé par la technologie au Niger.

Téléphoner ou papoter aux cimetières, c’est la nouvelle mode en vogue qui s’observe dans la société nigérienne. Dans cet endroit de repos, le mort n’est plus respecté.
La place qu’occupent les morts dans la vie des humains, mérite plus de considération. Mourir, nul n’y échappe, il est vrai, d’une certaine manière ou d’autre, on tirera tous notre révérence. Ces dernières années, quand on pénètre dans un cimetière, nous sommes choqués lorsque les téléphones portables sonnent. Mieux encore, les discussions lors de l’office funéraire. Un moment de recueillement, désormais perturbé.

En islam, selon Oustaz Haladou Yahaya, prédicateur musulman, la distraction et l’insouciance au moment d’un enterrement sont le fruit d’un relâchement moral. « Un mort, on le rapproche avec compassion, avec recueillement, sans pleurs avec la concentration nécessaire » a-t-il précisé.

« Aujourd’hui » dit-il, aux cimetières, « on traite des affaires au téléphone, or c’est un endroit de recueillement ».

Ce comportement des vivants face aux morts, n’a pas échappé aux Tréteaux du Niger qui en ont fait une pièce théâtrale. En 2019, dans ‘‘Heriss’’, un spectacle théâtral qui fait la revue de la presse locale et internationale. Dans cette pièce, les comédiens ont mis en scène un enterrement au cours duquel un des accompagnants reçoit un appel. Une affaire d’argent, un million de francs CFA, qui a conduit le récepteur à enjamber le mort. Oubliant du coup qu’il était au cimetière, debout, devant cette dépouille qui attendait d’être mise sous terre. « On a joué et on a aggravé pour que les gens se rendent compte de ce qui se passe » a expliqué Alichina Allakaye, Directeur artistique de la compagnie les Tréteaux du Niger.
À travers ce spectacle, « c’est ouvrir les yeux pour que les gens regardent ceux qu’ils sont eux-mêmes dans l’actualité » selon Alichina Allakaye.

Cette situation débute à la levée du corps, dans la circulation en allant au cimetière et s’accentuée lors de l’enterrement.

Faride Boureima.