L’incivisme fiscal est défini comme le refus de payer les impôts. C’est un phénomène courant et récurant dans pratiquement toutes les régions du Niger.
Différent de la fraude fiscale qui est une infraction à la loi fiscale afin d’échapper à l’impôt ou d’en minimiser le montant. L’incivisme fiscal est plutôt perçu comme une absence, un manque de civisme.
A ce sujet, Studio Kalangou s’est entretenu avec certains responsables dans les départements de Téra et de Matameye.
La population rurale paie, la population urbaine en bénéficie le plus …
Il y a un véritable paradoxe dans la perception des taxes et leur utilisation : la population rurale est celle qui paie l’impôt de manière régulière or, le bénéfice va en grande partie dans l’entretient des villes comme nous l’indique le Maire de Matameye Issoufou Amadou : « Ce qui est un peu choquant c’est que la population de la ville a tendance à ne pas vouloir payer les taxes. Alors que c’est dans la ville que la population bénéficie de plusieurs investissements : la route, l’électricité, l’eau potable, l’hôpital (…) alors qu’en campagne, la vie elle est un peu difficile et c’est surtout la population de la campagne qui paie les impôts. »
Un manque à gagner énorme qui enraille le développement des communes
Le manque à gagner pour les communes est énorme. Comme le précise le Maire de Matameye Issoufou Amadou : « La commune de Matameye dans son ensemble pour les impôts, on a moins de 10 millions. Mais à peine on arrive à recouvrer 25 à 30%. Vraiment on a tout fait, le chef de canton nous appuie mais ça ne rentre pas. »
La salubrité sauvage est l’une des premières conséquences visibles du non-paiement des impôts. D’après le constat fait par Hamidou Niandou dans la commune de Terra : « Imaginez aujourd’hui comment la ville est, c’est une ville poubelle. On n’arrive pas à enlever les ordures. »
La population prétexte ne pas connaitre le circuit emprunté par l’argent récolté
Dans le département de Téra : « Ca fait six ans pratiquement que les gens refusent, (…) que les gens ne paient pas les impôts. Or une commune qui n’a pas d’impôts et de recettes n’est pas une commune viable.
(…) Les gens ont tendance à croire que l’argent qu’ils donnent, ils ne savent pas quelle direction ça prend. » Indique Hamidou Niandou, le chef de canton.
La pauvreté et l’analphabétisme sont les principales causes de l’incivisme fiscal
Toujours selon Hamidou Niandou : « Le premier facteur c’est cette pauvreté ambiante il n’y a pas eu de répit depuis qu’on est arrivé. C’est tantôt des inondations, tantôt des déficits alimentaires. Il faut aller plus loin, l’ignorance. Vous dirigez un peuple à 85% analphabète et pauvre parmi les pauvre, forcément ces critères conjugués ne facilitent pas la récupération des impôts ».
Le budget participatif : une solution vaine ?
Le système de budget participatif est la solution trouvée pour palier le problème. Tout en sensibilisant, cette solution appelle la population à participer dans l’élaboration du budget explique Hamidou Niandou : « (…) on est dans ce qu’on appelle un système de budget participatif. Ce n’est plus comme avant où on élabore le budget dans un bureau. Non aujourd’hui on va vers les populations, on leur explique les tenants et aboutissants de ce que c’est ce budget, qu’est-ce qu’un budget et comment le budget doit être élaboré et exécuté. »
Le problème persiste cependant « Ça fait six ans que nous on s’attelle à cette transparence pour que les contribuables sachent que l’argent qu’ils donnent n’est pas pour mettre dans la poche du maire, mais c’est pour faire des activités. C’est pour faire des écoles, c’est pour faire des routes, c’est pour rendre la ville propre. Imaginez aujourd’hui comment la ville est, c’est une ville poubelle. On n’arrive pas à enlever les ordures. »
Le désintéressement de la jeunesse n’arrange pas les choses « Mieux, la jeunesse qui est censé nous aider, cette jeunesse désœuvrée refuse de travailler. (…) La jeunesse doit s’y mettre pour faire du bon travail. (…) Donc on a tous les problèmes avec les populations (…) parce que quand vous regardez et jetez un coup d’œil dans notre budget vous verrez que le cumul des impôts non payés est énorme. »
Le paiement des impôts un devoir citoyen
Le développement de nos communes passe nécessairement par la participation de tous. Aucune excuse ne peut expliquer le non-paiement de ses impôts. Comme s’indigne le maire de Matameye Issoufou Amadou : « La population urbaine, je pense qu’elle n’a pas d’argument parce que c’est un comportement vraiment qui va à l’encontre du progrès de la part de notre population. C’est un comportement que je ne peux pas expliquer. »
Si on se targue si souvent d’avoir des droits, il ne faudrait pas oublier que nous avons également des devoirs. L’un ne peut pas aller sans l’autre. Droit et devoirs sont les deux faces d’une même pièce.