Le Niger a adopté la loi sur la cybercriminalité le 25 juin 2019, quinze ans après l’introduction dans le code pénal des infractions relatives à l’informatique en considération des risques que cela représente,. Selon la directive C/DIR/1/08/11 portant lutte contre la cybercriminalité dans l’espace CEDEAO du 19 août 2011, la lutte contre la cybercriminalité requiert la collaboration des Etats mais également une synergie entre les services compétents.
Cette loi a pour objet d’adapter, de rendre plus efficace, les règles de procédure pénale portant sur des infractions en relation avec des systèmes et des données informatiques. Ainsi qu’avec les réseaux de communication électronique. La preuve en matière de cybercriminalité est : « tout écrit sous forme électronique, il est admis comme preuve au même titre que l’écrit sur support papier dès lors que l’auteur est identifié et le contenu de l’écrit n’a subi aucune dénaturation » a expliqué la magistrate Mme Gogé Maimouna. En précisant que : « la preuve électronique peut servir au pénal, elle peut servir au civil ».
Lors d’une procédure de divorce par exemple ; si l’épouse réussit à capturer et amener devant le juge des publications sur les réseaux sociaux émanant de son époux faisant la fête dans les débits d boissons peut jouer en défaveur de ce dernier. Cela est une preuve de fait attestant de la délinquance du mari, de ce fait il perd la garde de l’enfant a expliqué la magistrate se référant de la preuve au civil.
Lors d’une enquête de moralité portant sur une fille, par exemple, on se sert de toutes les publications, surtout des vidéos dans lesquelles cette dernière met en avant sa nudité. Selon la magistrate Mme Gogé Maimouna, « lorsque vous êtes un employé ; vous faites une publication qui ne porte pas honneur à l’institution dans laquelle vous travaillez ; si votre patron prend la publication ; c’est une faute lourde au niveau du tribunal du travail ».
La loi donne la possibilité au magistrat de se servir des publications des réseaux sociaux pour condamner une personne ayant commis une infraction. « Tout ce que vous mettez sur les réseaux sociaux ; en cas de procès, le juge peut demander à la partie qui porte plainte contre vous d’apporter ces publications. On va vous poursuivre sur la base de ces écrits ».
Avant l’adoption de la loi sur la cybercriminalité au Niger, on ne comptait que deux formes de preuves, celle écrite sur papier et celle orale. Cependant, une troisième forme de preuve est intervenue en matière de cybercriminalité qui inclut tous les types d’envois effectués sur les moyens de communication comme les réseaux sociaux a expliqué Mme Gogé Maimouna Gazibo. Les accusations et insultes portées à l’endroit d’une personne sur les réseaux sociaux peuvent conduire en prison selon la magistrate. Si vous écrivez pour insulter ou accuser une personne et que cette dernière amène le contenu de votre message chez le président du tribunal, cela peut déclencher une poursuite judiciaire sur votre personne. « Si vous prenez un de mes audios ou prenez une image déshonorante pour moi, vous le mettez sur les réseaux sociaux ; vous allez être poursuivis sur la base de cela » a ajouté Mme Gogé Maimouna.
Toute publication sur les réseaux sociaux a la même valeur juridique qu’une lettre postale conclut la magistrate.
Lutte pour la liberté d’expression
Les organisations internationale et nationale de défense de la liberté d’expression voient dans cette loi une tentative de restriction et de contrôle des libertés individuelles. L’article 31 de la loi 2019 sur la cybercriminalité condamne « la diffusion, la production et la mise à la disposition d’autrui des données pouvant troubler l’ordre public ou portant atteinte à la dignité humaine par le biais d’un système d’information ». Selon Amnesty Internationale, l’application de cet article 31 est opérée de manière abusive et intrusive car s’immisçant dans des échanges privés détournant ainsi l’objet de la loi.
A ce jour, les organisations de la société civile nigérienne et Amnesty Internationale ont enregistré au moins 10 personnes arrêtées entre les mois de mars et d’avril 2020 sur la base de la loi relative à la lutte contre la cybercriminalité.
Interview de la magistrate Mme Gogé Maimouna