Alors que l’article 44 du code civil du Niger a fixé l’âge du mariage à 15 ans, 3 filles du pays sur 4 se marient avant cet âge selon l’UNICEF (Fonds des Nations Unies pour l’Enfance). Le Niger est parmi l’un des pays de l’Afrique de l’Ouest qui a le taux le plus élevé de mariage précoce. Le mariage précoce chez la jeune fille est le fait de la marier avant sa maturité. Ce phénomène de mariage toujours présent dans les sociétés nomades précisément à Tchintabaraden, dans la région de Tahoua, se pratique malgré toutes les mesures prises par les autorités pour maintenir la jeune fille à l’école. Et cette pratique n’est pas sans conséquence sur la vie et la santé de ces filles d’où le problème de la fistule due aux grossesses précoces, le risque de mortalité en couche, ou des soucis de fertilité après le premier enfant. Selon Dr Housseini Boubacar, médecin à l’hôpital de Tchintabaraden, ils ont enregistré plusieurs cas, relativement à l’état physique de leurs patientes.
« La femme, si elle est à l’école, après le mariage généralement elle abandonne, donc elle devient déscolarisée. Elle perd son niveau d’éveil et si elle n’a pas un niveau d’éveil, on prend par exemple sur le plan médical, après le mariage, c’est la grossesse. Si elle tombe enceinte, elle va commencer d’abord par les CPN (consultations prénatales) et si elle vient pour ces consultations prénatales, elle n’a pas le même niveau de compréhension que celle qui est instruite » constate Housseini Boubacar, médecin à l’hôpital de Tchintabaraden. De ce fait, le mariage précoce constitue non seulement un frein à l’éducation, mais aussi un obstacle dans la vie de ces jeunes filles.
Les CPN ou consultations prénatales sont un ensemble des conduites destinées à la femme enceinte, qui visent à prévenir les complications de la grossesse et à diminuer la morbidité et la mortalité maternelle et prénatale. Ainsi par exemple quand « la fille a trop mal à la tête, quand elle a des vertiges, quand elle a une vision floue, quand elle voit des pertes d’eau, quand elle voit aussi du sang, ce sont des choses qu’on explique à la femme lors de ces consultations prénatales (CPN) et si elle n’a pas un niveau d’éveil, c’est très difficile pour elle de comprendre ça. Il y a beaucoup de femmes que nous avons opéré, car elles ont des bassins immatures » explique Housseini Boubacar.
Généralement, quand c’est un mariage précoce, les femmes sont trop petites et le plus grand problème est au niveau de l’accouchement quand celle-ci tombe enceinte : « Ce qui nous dérange au niveau de l’accouchement, c’est surtout le bassin qui est la filière que l’enfant doit passer pour sortir dehors, si la femme est trop petite, au niveau du bassin il y a les différents diamètres que nous on apprécie pour donner le pronostic de l’accouchement. On évalue lors des consultations prénatales, est-ce que l’enfant peut sortir ou ne peut pas sortir ? Donc si elle vient, par exemple, les différents diamètres de bassins sont démunis et la tête de l’enfant ne peut pas passer à travers la filière génitale » indique Housseini Boubacar. On peut dire que la conséquence la plus courante du mariage des jeunes filles est la grossesse précoce qui peut entrainer des problèmes de fistule chez la jeune fille. La fistule, cette maladie qui stigmatise les femmes, en les forçant souvent à s’isoler et à rester à l’écart des autres.
Le médecin Housseini Boubacar poursuit ses explications en notifiant que « ce sont les contractions qui vont pousser l’enfant et la tête de l’enfant va venir se bloquer au niveau du bassin, si ça se bloque, quand les contractions viennent, la première conséquence est ce qu’on appelle les ruptures utérines. Il y a une pression donc l’utérus va s’éclater, plus quand ça s’éclate, la femme va commencer à saigner et c’est ça qui est la première cause d’hémorragie. Le sang va couler, l’enfant va sortir de la cavité utérine et ça sera dans la cavité abdominale, la femme va saigner ». Certaines filles victimes du mariage précoce souffrent surtout au cours de l’accouchement, car elles n’ont pas l’âge mature pour procréer. Et elles peuvent trépasser suites à ces accouchements. Les vies de leurs bébés sont aussi souvent en danger par les souffrances fœtales.
Le mariage des adolescentes a des conséquences non seulement sur la vie des filles victimes, mais aussi sur la communauté et le pays tout entier parce que cela entraine souvent des handicaps physiques.
Selon l’ONG FEVVF (Femmes et Enfants Victimes de Violences Familiales), la région de Maradi enregistre 89 %, le taux le plus fort de mariage précoce des filles tandis que Niamey a 33 %, le plus bas taux de mariage précoce chez les filles dans le pays.
Interview de Dr Housseini Boubacar