« Il était déjà difficile d’en parler avec maman, alors imaginez un peu comment c’est avec papa »
Parler de sexualité est considéré comme tabou dans la société nigérienne. Beaucoup de parents préfèrent se taire ou évoquer partiellement le sujet. Une question qui pourtant doit être soulevée, dès le jeune âge à la maison.
Sous le pseudonyme de Maria, une jeune fille âgée de 22 ans dit avoir été victime de ce manque de communication, quand elle était plus jeune. Elle est aujourd’hui étudiante en sciences de la santé dans une école privée de Niamey.
« La première fois que j’ai entendu parler des menstruations, j’étais au primaire. Je ne me rappelle pas de la classe exactement. J’avais une amie très proche dont la mère était très relaxe, contrairement à la mienne. Elle pouvait parler de sexualité à tout moment. C’est elle qui m’avait dit qu’à un moment de leur vie, toutes les filles auront des saignements qu’on appelle règles ».
Quelques années plus tard, Maria accueille ses toutes premières menstruations, un vrai calvaire : « C’était en 2008, j’étais en classe de 4e. Un matin au réveil, j’ai constaté en allant aux toilettes que j’avais du sang aussi. J’ai eu peur. Je suis partie dire à ma mère que je me suis blessée. Avant ce jour, nous n’avions jamais eu l’occasion de parler de cela. Elle en avait trop honte sûrement. Elle m’a juste dit que ce n’était pas une blessure et que c’était tout à fait normal. Ensuite elle est sortie m’acheter un paquet de serviette hygiénique et du parfum. Et la parenthèse était close. J’ai saigné pendant six jours, et j’étais à cours de serviettes hygiéniques à un moment. Et je ne pouvais pas non plus le dire à mes parents. Il était déjà difficile d’en parler avec maman, alors imaginez un peu comment c’est avec papa.
Heureusement à l’école l’enseignante d’Economie Familiale prenait du temps pour nous expliquer tout cela. Une dame très gentille. Elle avait même prévu dans le programme annuel de faire un cours sur le cycle menstruel. Mais ça c’était plus tard.
C’était elle, qui nous avait dit en classe, que les morceaux de pagnes pouvaient être utilisés. J’ai coupé un de mes vieux pagne en morceaux. Mais vu la consistance de mon saignement, il m’arrivait de tacher ma jupe. Des camarades à moi s’approchaient pour me le dire, et quand elles sont gentilles, elles me donnaient des serviettes hygiéniques.
C’était vraiment très difficile pour moi, surtout qu’avec ma mère, la communication ne passait pas tellement, et je n’avais pas de grandes sœurs non plus. C’était une vraie expérience traumatisante ».
Maria a aussi été victime d’une infection, plus ou moins causée par ce manque d’information :
« Je me rappelle, un an plus tard, quand les parents nous ont envoyé en vacances avec mon frère. C’était en campagne, un peu plus à l’est du pays, chez notre grand-mère. Quand les anglais ont débarqué (rires), je n’avais ni morceaux de pagnes, ni serviettes hygiéniques. Et aussi, j’étais tellement habitué à vivre ces expériences seule que je n’ai pas pu en parler avec ma grand-mère. Alors, pour m’en sortir, je découpais des morceaux d’un vieux matelas usé, qui pourrissait tout seul derrière la cour de chez la mamie. Et c’était avec ça que je me faisais mes propres pads, que je balançais dans la fosse, après usage ».
Personne ne m’a parlé d’une hygiène menstruelle continue-t-elle :
« Je ne les lavais même pas, ces morceaux d’éponge, avant de les utiliser. Ils étaient sales, très sales même. Je ne savais même pas combien de temps le matelas a pu passer derrière la cour de ma grand-mère. Personne ne m’a parlé d’une hygiène menstruelle. Ça m’a rendu malade bien sûr. Plus tard, j’avais des boutons bizarres sur le pubis. J’avais des pertes blanches qui ne sentaient pas tellement bonnes. J’avais développé une infection, en fait. Et même ça, je ne pouvais le dire à ma mère. Il a fallu que ça s’aggrave jusqu’à me donner des douleurs au bas ventre. Et c’est là qu’elle a compris que ce n’était pas normal. Le médecin a dit que c’était une mycose vaginale. Et c’était un long processus de traitement avant d’en venir à bout ».
La mère de Maria a fini par comprendre l’importance de l’éducation sexuelle.
« Maintenant ça va beaucoup mieux. J’ai vu beaucoup de changements. Et ça me rend très heureuse de voir qu’avec mes petites sœurs, ma mère en parle beaucoup. Elle a fini par comprendre l’importance de l’éducation sexuelle, je crois. Et je suis sûre que c’est à grâce aux multiples sensibilisations ».
Entre deux sourires, Marianous confie qu’elle ne fera pas subir le même sort à ses enfants : « Ce qui est sûr, si j’ai une fille, je ferai tout pour lui épargner ce que j’ai vécu. Nous parlerons même de ses futurs petits copains (rires). Il n’y a pas de tabous à parler de sexualité avec ses enfants, c’est même la moindre des choses à mon avis ».
Fanta Chamsou.